A Lugano, le premier imam formé en Europe

Swissinfo29. juillet 2009

Licence en droit et théologie, master en sciences de la communication, doctorant, médiateur interculturel: Samir Jelassi Radouan, imam de Lugano, passe pour l'imam le mieux formé d'Europe. Ce quadragénaire, qui cumule les mandats et les projets, prône le dialogue et combat l'extrémisme. Interview.


Une enquête en sciences des religions, menée dans le cadre Programme national de recherche «Collectivités religieuses, Etat et société» (PNR 58), montre que l'idée de former des imams en Suisse pour lutter contre l'intégrisme, jouit d'un large consensus.

Une formation en faveur de laquelle plaide aussi l'imam de Lugano, Samir Jelassi Radouan. Ce Tunisien d'origine et Français de nationalité, est le premier imam titulaire d'une telle formation en Europe.

swissinfo.ch: Vous êtes très actif, non seulement à la tête de la communauté islamique tessinoise, mais également dans plusieurs associations et institutions non musulmanes...une ouverture exemplaire...

Samir Jelassi Radouan: Je suis né d'un père tunisien et d'une mère d'origine andalouse. J'ai grandi avec des voisins non musulmans, comme des familles de catholiques italiens. Je pense que c'est de là que me vient mon ouverture. Ce parcours a aussi beaucoup influencé la suite de ma formation en Europe.

swissinfo.ch: ... justement, de quelle filière s'agit-il?

L'imam est à la fois un point de 
référence de sa communauté 
et un pont avec la société,
 explique Samir Jelassi Radouan. 
(Nicole della Pietra)
S.J.R: Après mes études de droit à Grenoble, je me suis orienté vers la première université islamique de France, à Château Chinon. C'est là que j'ai terminé ma maitrise en droit et en fondements de la théologie.

A cette époque, j'étais déjà imam en France. En arrivant en Suisse, j'ai enchainé avec une formation de médiateur interculturel, avec l'Oeuvre suisse d'entraide ouvrière (OSEO).

Puis, j'ai fait un master en sciences de la communication - en communication interculturelle - à l'université de Lugano. J'ai le sentiment que ma formation a contribué à modifier l'image de l'imam auprès des gens que j'ai côtoyé.

swissinfo.ch: Lugano, qui est plutôt connue pour sa place financière, est aussi en quelque sorte un laboratoire interreligieux...

S.J.R.: Oui, un véritable exemple. La municipalité multiplie les plateformes de dialogue, dont certaines sont uniques en Suisse, comme le Forum de dialogue interreligieux, mis sur pied en partenariat avec le canton du Tessin. Nous avons aussi la Fête des voisins, et pour la troisième année consécutive, la Semaine des religions, notamment.

L'an dernier, l'évêque de Lugano, Monseigneur Pier Giacomo Grampa était venu nous rendre visite à cette occasion. Et même des membres de la communauté juive sont venus à la mosquée. Et à mon tour, j'ai été convié à tenir un discours à la synagogue de Lugano. Un grand moment d'émotion.

swssinfo.ch: Que penser des imams «amateurs»?

S.J.R.: L'imam est à la fois un point de référence de sa communauté et un pont avec la société. Son influence est indéniable. Or, le contexte dans lequel nous vivons exige une interprétation équilibrée de l'islam. Il n'y a pas de place pour des lectures égarées et extrémistes du Coran.

Les autorités fédérales ont constaté l'importance du rôle des imams dans la lutte contre l'extrémisme et le terrorisme. Un domaine dans lequel la Suisse obtient d'ailleurs d'excellents résultats. Mais cet effort consenti par les imams doit être reconnu par les autorités. J'insiste sur ce point. A défaut d'une telle reconnaissance, c'est tout un capital de confiance et volonté qui sera perdu.

swissinfo.ch: La droite populiste est plutôt hostile à la formation des imams et dénonce la «promotion d'une société islamique parallèle»...

S.J.R.: Ce courant islamophobe m'inquiète. Il menace la paix sociale et religieuse. On craint que les jeunes musulmans ne fassent une lecture intégriste de l'islam à travers l'Internet? Soit. Le danger existe.

Dès lors, il faut trouver une stratégie afin de protéger ces jeunes – et partant, la société - contre ces écueils. Et là, j'ai vraiment des soucis...

Les efforts doivent venir des deux côtés. Si on demande aux musulmans de s'intégrer tout en acceptant que cette communauté s'enferme sur elle-même, on aura des problèmes plus tard...

swissinfo.ch: Quel regard posez-vous sur ces 12 derniers mois de querelles entre la Libye et la Suisse...

S.R.J.: Fort heureusement, à l'inverse des attentats du 11 septembre, l'affaire n'a pas porté préjudice aux musulmans de Suisse.

L'histoire et les fondements même de la Suisse nous enseignent que le consensus est la meilleure recette pour résoudre les différends de manière équilibrée. L'heure du dialogue est venue.

Mais il faut bien choisir son interlocuteur, qui n'est pas toujours celui que l'on croit... peut-être ne faut-il pas forcément s'adresser directement à Kadhafi... Pourquoi ne pas se tourner vers un savant musulman ou un chef de tribu africain... c'est ça l'art de la négociation.

Nicole della Pietra, Lugano, swissinfo.ch


Leggi anche:

Comments

Più letti ultima settimana

Musulmani vittime di discriminazione

Samir Jelassi: «È Erdogan a ispirarsi ai tunisini»

Che cosa é l'Islam?

Germania: avanza il razzismo islamofobo

IL TERRORISMO COME STRATEGIA MILITARE - LA SVIZZERA SI SALVA DALLA MINACCIA

L'islamofobia nei politici svizzeri